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4.0 SUBSTITUTION : BASES THÉORIQUES, MODÈLES ET OUTILS

4.6 Facteurs de santé et sécurité du travail

4.6.3 Utilisation des valeurs limites d'exposition


En ce qui concerne les propriétés toxiques, la situation est relativement complexe. Une approche consiste à comparer des «indices de danger» dérivés des valeurs limites d'exposition (VLE) (Filskov,1989 ; Goldschmidt,1993a ; Popendorf,1984 ; Olsen,1992 ). Tout d'abord les VLE elles-mêmes peuvent être comparées, avec l'idée que plus la VLE est basse plus le danger est grand. Cette approche, beaucoup trop simpliste (Riklik,1991 ), ne tient pas compte, entre autres, du fait que le niveau de danger ne dépend pas que de la toxicité mais aussi de la volatilité d'une substance. Ainsi un solvant pourrait avoir une VLE deux fois plus grande qu'un autre (donc apparaître «moins dangereux») mais une volatilité dix fois plus grande, ce qui donne une situation d'exposition plus dangereuse (Filskov,1989 ).

Il faut donc pouvoir corriger la VLE par la volatilité. C'est ce qui est obtenu en utilisant le VHR («vapour hazard ratio» ou «rapport de danger de vapeur»). Le VHR est le rapport entre la concentration de vapeur saturante d'une substance et sa VLE. La concentration de vapeur saturante est la concentration de la vapeur en équilibre avec la substance pure, valeur (en mg/m³ ou en ppm) obtenue directement à partir de la pression de vapeur saturante (en mm de Hg ou en Pa). Le VHR exprime donc combien de fois, au maximum, une substance peut dépasser sa VLE de par ses propriétés intrinsèques de volatilité. C'est une sorte de propension de la substance à dépasser la VLE. Ce concept a été décrit par Popendorf comme guide pour les opérations de ventilation et pour la substitution (Popendorf,1984 ). Par exemple le VHR du disulfure de carbone est de 47 500 contre 87 pour le xylène. Pour les mélanges, il est possible en théorie de calculer un VHR qui soit la somme des valeurs individuelles de VHR pour chacune des substances, pondérée par leur fraction molaire (Goldschmidt,1993a ). Cette approche, inspirée de la pratique de calcul des VLE pour les mélanges en hygiène industrielle, ne convient cependant, dans le cas du VHR, qu'aux mélanges dits «idéaux» du point de vue physico-chimique, c'est-à-dire ceux pour lesquels la pression de vapeur n'est gouvernée que par leur proportion dans le liquide. La grande majorité des solvants sont des mélanges et la très grande majorité des mélanges de solvants sont loin d'être idéaux, ce qui rend l'approche VHR potentiellement trompeuse. En effet ces déviations de l'idéalité peuvent être très importantes. Elles font, par exemple, que la concentration dans l'air d'un solvant dissout en faible quantité dans l'eau peut être plusieurs ordres de grandeur supérieure à celle qui serait calculée sur la base de l'idéalité (Goldschmidt,1993a ).

Olsen propose un type d'indice de danger appelé SUBFAC («substitution factor») qui répond au problème de la non-idéalité des mélanges et qui est une généralisation de l'approche VHR à divers types de valeurs limites (Olsen,1992 ). L'approche plus complexe nécessite l'utilisation du logiciel SUBTEC. Par rapport à l'approche VHR pour un mélange, SUBFAC introduit trois changements. Tout d'abord, on tient compte de la non-idéalité en introduisant des coefficients d'activité. Ceux-ci sont calculés à partir d'un modèle physico-chimique basé sur la structure chimique, la température et la composition du mélange. D'autre part, on remplace l'usage de la concentration de vapeur saturante par l'utilisation du taux d'évaporation qui reflète mieux les conditions dynamiques de l'évaporation. Le taux d'évaporation est relié à la concentration de vapeur saturante et au coefficient de transfert de masse. Finalement on donne la possibilité de calculer une variété d'indices correspondant à divers standards ou normes de qualité de l'air: VLE professionnelle, VLE pour l'air ambiant extérieur, concentration maximale dans l'air émis à l'extérieur et taux d'émission dans l'air extérieur.

Il est important de retenir que l'indice SUBFAC en soi n'a pas de signification absolue mais qu'il n'est utile que dans la comparaison entre diverses alternatives. Nous référons les lecteurs à l'article d'Olsen et coll. pour une description plus complète des indices SUBFAC et de l'usage du logiciel SUBTEC. Rappellons seulement que ce logiciel a déjà été cité dans la section précédente car il permet de suggérer des alternatives ayant des propriétés de dissolution proches de celles d'un solvant déterminé que l'on veut éliminer. Olsen et coll. donnent divers exemples d'utilisation de SUBTEC pour, à la fois, suggérer et évaluer des alternatives de substitution (Olsen,1992 ).

Il faut finalement souligner que toute approche de comparaison basée sur l'utilisation des VLE, même associée à des corrections pour la volatilité et la non-idéalité, souffre des défauts bien connus associés à ces standards : nombre limité de substances couvertes, qualité très inégale de l'information toxicologique et de son interprétation, exclusion des effets cancérogènes et de l'absorption cutanée, influence des facteurs économiques. La possibilité que les solvants soient sous forme d'aérosol (opérations de pulvérisation) n'est pas considérée car les modèles physico-chimiques ne tiennent compte que de l'évaporation. D'autre part, puisqu'il s'agit de comparer généralement des mélanges, d'autres limitations sont à considérer : les effets reflétés par les VLE touchent des organes divers et ne sont pas nécessairement additifs; de plus les effets d'interaction éventuels ne sont pas inclus (Filskov,1989 ; Goldschmidt,1993a ; Olsen,1992 ). Les auteurs soulignent que ces divers indices de danger ne doivent être vus que comme des mesures relatives portant sur le «risque» ou la «probabilité» de dépasser certaines normes. Il faut les utiliser de manière comparative entre diverses alternatives. Au vu des incertitudes qui les accompagnent, les diminutions se doivent d'être importantes (au moins cinq ou dix fois environ) pour considérer une substitution comme intéressante.