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4.0 SUBSTITUTION : BASES THÉORIQUES, MODÈLES ET OUTILS

4.10 Discussion, le choix des alternatives


Nous avons défini la substitution d'une substance dangereuse en terme de son élimination par son remplacement ou par un changement de procédé. Nous avons présenté dans ce chapitre le contexte conceptuel qui situe la substitution, telle que définie, au sommet de la hiérarchie des activités de prévention en entreprise et pour la société en général, que ce soit pour la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ou pour la protection de l'environnement et de la santé environnementale. Nous avons résumé les approches permettant d'analyser de façon globale chaque situation où une substitution peut être envisagée, et ce, en fonction des divers facteurs qui entrent en ligne de compte : technique, coûts, santé et sécurité du travail et environnement. Il ressort de cette revue que la substitution, toute bénéfique qu'elle soit, peut être un processus complexe dont il faut aussi connaître les limitations, ce dont nous discutons dans cette section.

Élimination d'une substance dangereuse ne veut pas dire élimination de tout danger. À un nouveau procédé ou à une nouvelle substance sont généralement associés de nouveaux dangers; c'est dans la comparaison des situations, avant et après substitution, que réside le coeur et la principale difficulté de la démarche. Cette comparaison doit s'effectuer a priori, lors du processus de sélection d'alternatives possibles, comme a posteriori, suite à l'implantation de l'alternative sélectionnée.

Tous les auteurs admettent que la comparaison a priori des dangers peut être un exercice complexe. Selon Bradley et coll. des compromis sont inévitables dans la recherche de la meilleure combinaison (Bradley,1990 ). Russell indique également la nécessité de faire des choix et insiste sur l'utilité de bien connaître les cas qui ont réussi ailleurs (Russell,1992 ).

Sørensen et Styhr Petersen soulignent que les substances dans la situation finale doivent non seulement être moins dangereuses que dans la situation initiale, mais que cette différence doit être la plus grande possible. D'autre part les méthodes traditionnelles de prévention peuvent devoir être toujours utilisées. Ils indiquent que la priorité est à donner à l'élimination des substances avec des effets toxiques à long terme, mais soulignent en même temps le manque d'information ou l'incertitude sur ces mêmes effets

(Sørensen,1991 ; Sørensen,1992 ; Sørensen,1993a ).

Wolf et coll. se sont spécialement intéressés au cas des solvants halogénés, et notamment des chlorés, et de leurs substituts potentiels dans les opérations de nettoyage. Ils mettent en évidence les difficultés de comparaison, par exemple entre un solvant qui provoque des cancers hépatiques chez la souris et un autre qui contribue au smog photochimique. Même seulement au niveau technique les compromis sont complexes, sans compter les dimensions santé et environnement, coûts et réglementation. Selon ces auteurs il faut reconnaître et admettre les divers compromis à effectuer. Leur système de classification générique des solvants permettrait de clarifier les choix à effectuer (Morrison,1985 ; Wolf,1993-1994 ; Wolf,1987 ; Wolf,1991a , Wolf, 1991b ).

Dans leur discussion sur le pour et le contre des programmes de réduction des produits toxiques, Laden et Gray exposent les critiques apportées, principalement par l'industrie, à l'approche de substitution. Ils soulèvent eux aussi le problème toxicologique, notamment l'introduction de nouvelles substances, insuffisamment testées, dont les effets toxiques ne sont découverts qu'après usage. De même des compromis peuvent être nécessaires et l'on se trouve à échanger un danger contre un autre et à devoir investir dans de nouvelles mesures de prévention (Laden,1993 ).

Il peut être intéressant, à propos de toxicité, d'illustrer ici par quelques exemples, relevés par certains auteurs, divers effets nocifs associés au processus de substitution dans le domaine des solvants. Tout d'abord il se peut, comme déjà mentionné, que la substitution introduise une nouvelle substance dont les propriétés toxiques se révèlent, après usage, plus importantes que prévu. Cela a été le cas de certains éthers de glycol, introduits notamment dans de nombreuses formulations aqueuses, dont la reprotoxicité s'avère un problème majeur. Le d-limonène présente des problèmes d'odeur et d'allergie cutanée. Il se peut également que, pour des raisons environnementales, on revienne à l'utilisation de solvants dangereux en milieu de travail. Par exemple l'utilisation de solvants dérivés du pétrole, comme le solvant Stoddard, en remplacement du 1,1,1-trichloroéthane peut causer des problémes de sécurité en raison de leur inflammabilité. Les acrylates utilisés dans des liants photodurcissables aux UV peuvent être allergisants, de même que les résines époxy utilisées dans les peintures en poudre. L'utilisation de procédés à base d'eau plutôt que de solvants entraîne un déplacement de la pollution en direction de l'égout lequel reste relativement peu contrôlé (Laden,1993 ; Sørensen,1992 ; Wolf,1987 ; Wolf,1991a , Wolf, 1991b ).

Les exemples présentés ci-dessus illustrent des difficultés qui ne sont pas insurmontables dans la mesure où les dangers sont mieux connus à l'avance et que les précautions adéquates peuvent être prises. Ceci renforce la notion d'exigence en ce qui concerne les tests toxicologiques que doivent subir les nouvelles substances avant d'être introduites dans le milieu de travail ou dans l'environnement. De même, pour une bonne appréciation de la panoplie des impacts de la substitution, il ne faut pas se contenter de données approximatives et limitées au seul milieu de travail ou au seul environnement général. Les approches et outils présentés dans cette section, bien qu'imparfaits, peuvent servir de guide à la décision. Il n'en demeure pas moins que les compromis que l'on pourrait avoir à effectuer doivent être bien documentés, acceptés en fonction de critères bien explicités et gérés dans les règles de l'art de la prévention.