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4.0 SUBSTITUTION : BASES THÉORIQUES, MODÈLES ET OUTILS

4.2 Définition, place et historique de la substitution en santé et en sécurité du travail


Avant d'en arriver à une définition précise de ce que nous entendons par substitution dans le cadre de ce travail, il est important de situer de façon hiérarchique les diverses activités de prévention possibles face à un contaminant en santé et en sécurité du travail.

Le tableau 4.1 illustre un schéma conceptuel associant d'un côté le cheminement d'un contaminant, depuis sa source jusqu'à ses effets irréversibles dans l'organisme d'un travailleur, et de l'autre les diverses approches préventives et leur niveau (Gérin,1993 ). Alors que les préventions secondaire et tertiaire portent sur le dépistage, la reconnaissance, le traitement et la surveillance d'effets sur la santé, la prévention primaire s'intéresse à l'environnement du travailleur de façon à réduire le niveau d'exposition, donc le risque à la santé.

Parmi les activités de prévention primaire, celles qui s'intéressent à la source sont à privilégier par rapport à celles, comme la ventilation générale ou la protection individuelle, qui interviennent dans le milieu, loin de la source.

Au niveau de la source même, on peut chercher à contrôler, par exemple par la ventilation locale, et l'on peut aussi chercher à éliminer. C'est cette stratégie d'élimination du danger à la source qui devrait être favorisée selon cette approche hiérarchisée des activités de prévention. C'est d'ailleurs ce qui est reconnu explicitement dans la Loi québécoise sur la santé et la sécurité du travail par son article deux (Gouvernement du Québec, 1986 ). Les autres méthodes de prévention acceptent que la substance soit présente dans le lieu de travail, même si sa présence est contrôlée. Elles ont une efficacité imparfaite; des opérations d'entretien et de surveillance sont nécessaires; des accidents, pannes, irrégularités, défaillances matérielles ou humaines, ou encore travaux spéciaux ou irréguliers peuvent mener à des expositions importantes. Seule l'élimination à la source permet de réduire à zéro le risque associé à un contaminant.

Notre définition de la substitution, dans le cadre de ce travail, repose sur la notion d'élimination à la source. Elle s'énonce ainsi : la substitution est une méthode de prévention consistant à éliminer l'utilisation d'une substance dangereuse par son remplacement avec une substance moins dangereuse ou par un changement de procédé. En effet l'élimination d'une substance peut s'effectuer soit en la substituant par une autre, soit en substituant le procédé pour ne plus utiliser la dite substance. C'est ce type de définition assez large de la substitution qui a été adopté par les auteurs danois qui ont beaucoup contribué au renouveau d'intérêt sur ce sujet au cours des dix dernières années (Sørensen,1988 ; Sørensen,1992 ; Goldschmidt,1993a ; Filskov,1989 ). Dans ce cadre, Goldschmidt distingue trois formes de substitution : 1) le remplacement sans changement dans les méthodes de travail, 2) le remplacement avec changement dans les méthodes de travail, et 3) le changement de procédé, impliquant de nouvelles méthodes de travail

(Goldschmidt,1993a ).

Il est important ici de préciser que, pour plusieurs auteurs, la substitution se définit, de façon plus limitative, comme le simple remplacement d'une substance par une autre, avec le minimum de changement aux méthodes de travail. Elle n'inclut pas les changements de procédé. Nous avons préféré l'approche plus large (bien que sémantiquement moins exacte) car elle est plus globale et permet d'envisager un éventail de solutions plus large.

Quelques exemples célèbres permettent d'illustrer l'importance historique et toujours actuelle de la substitution, laquelle a été appliquée au fur et à mesure du développement des connaissances, notamment en toxicologie, résultant en l'interdiction de certaines substances ou en l'imposition de normes plus restrictives. Ainsi les composés blancs du plomb ont été remplacés par le dioxyde de titane comme pigments, notamment dans les peintures; le phosphore blanc a été éliminé des alumettes; des abrasifs ont été mis au point ne contenant pas de quartz; l'amiante a été remplacée dans nombre d'applications par d'autres matériaux. En ce qui concerne les solvants, le benzène a été remplacé notamment par le toluène dans les peintures, le tétrachlorure de carbone par le trichloroéthylène dans les opérations de dégraissage des métaux, puis plus récemment par le 1,1,1-trichloroéthane; dans le nettoyage à sec, le tétrachloroéthylène s'est substitué aux essences minérales inflammables; les peintures à l'eau se sont implantées de façon significatives à la place des peintures à base de solvants (Ansell,1982 ; Frangos,1993 ; Silman,1974 ; Sørensen,1993a ; Talty,1988 ; Wolf,1987 ).

Un des principaux avantages potentiels de la substitution, qui n'est pas toujours souligné dans la littérature de santé et sécurité du travail, tient au fait que l'élimination de substances dangereuses dans le milieu de travail résulte en une élimination de facto de ces mêmes substances des émissions dans l'environnement général. D'ailleurs, dans les techniques de lutte contre la pollution environnementale, la substitution est une des stratégies les plus favorisées. Ce sujet est abordé plus en détail dans la section suivante.